Recherche sur l’apprentissage de la lecture : des ressources sous-utilisées

Exemple

La revue The Atlantic a mené un entretien passionnant avec Mark Seidenberg, Professeur de Psychologie à l’Université du Wisconsin-Madison, qui étudie depuis de très nombreuses années l’apprentissage de la lecture. Agir pour l’école retranscrit l’essentiel de ses analyses.   

 

 

Mark Seidenberg, un universitaire spécialiste de l’apprentissage de la lecture

 

« J’étudie les domaines suivants : comment fonctionne la lecture, comment les enfants apprennent à lire, et les obstacles que beaucoup d’enfants rencontrent, depuis de nombreuses années » ouvre M. Seidenberg.

Il vient en effet de publier l’ouvrage « Language at the Speed of Sight » – « Le langage à la vitesse du regard », en français – qui fournit des données inquiétantes à propos du niveau de lecture des jeunes américains.

Le constat est alarmant :

« Selon le plus récent rapport du ‘National Assessment for Education Progress’ [Évaluation Nationale pour le Progrès de l’Education, un indicateur du niveau de compétences en lecture aux Etats-Unis], un tiers seulement des élèves de CM1 (Fourth Grade) et de 4ème (Eigth Grade) [des évaluations se font à la fin de ces ‘classes’ aux Etats-Unis] avait plus ou moins un bon niveau de lecture l’année dernière ».

Seidenberg est direct, cette performance médiocre est liée à la sous-utilisation des recherches sur l’apprentissage de la lecture. Comment expliquer autrement qu’avec « tant de savoirs sur le fonctionnement de la lecture, il y ait beaucoup de jeunes gens qui ne sachent pas bien lire ? »

 

Deux cultures de l’apprentissage de la lecture et des conséquences sur les enfants les plus défavorisés

 

Il y a deux cultures dans le domaine de l’éducation qui ne dialoguent pas souligne M. Seidenberg. La recherche – « reading science » – qui mêle « psychologie, linguistique et aujourd’hui les neurosciences » sur la lecture et son apprentissage trouve peu d’écho auprès des enseignants. De leur côté, ces derniers considèrent souvent la lecture comme une simple « mécanique ».

Il décrit des enseignants qui s’intéressent davantage à la culture littéraire, à ce que permet la maîtrise de la lecture. M. Seidenberg et ses confrères, universitaires et chercheurs, a contrario, « insistent […] sur les prérequis [de l’apprentissage de la lecture] : être capable de lire rapidement et précisément, grâce à des compétences directes, clés en main ». Quelle est la conséquence de ce manque de dialogue entre les chercheurs en pédagogie et le monde de l’éducation aux Etats-Unis ?

« Ce sont les enfants les plus pauvres » qui pâtissent le plus de la situation, « ceux qui ont le plus besoin d’aide et pour qui cela serait le plus bénéfique d’utiliser les travaux scientifiques de qualité, complètement laissés de côté ».

 

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Le rôle majeur de l’éducation pour lutter contre la pauvreté

 

Dans le cadre d’une politique globale de lutte contre la pauvreté, M. Seidenberg souligne l’importance de l’éducation et ses effets à long terme : « l’éducation joue un rôle majeur dans les différences socio-économiques, et on ne peut pas dire que le système fonctionne correctement s’il fonctionne uniquement pour les classes moyennes et les ménages aisés. » C’est à l’école de transmettre les savoirs fondamentaux aux enfants des ménages les plus défavorisés.

Il conclut : « nous en savons plus sur comment les enfants apprennent, nous savons plus sur les mécanismes de la lecture, nous pouvons l’utiliser. La science n’est pas la solution à tous ces problèmes, elle ne peut pas venir à bout de la pauvreté toute seule. […] Mais la recherche peut y contribuer. » Une analyse éclairante pour comprendre les enjeux actuels de l’apprentissage de la lecture aux Etats-Unis… et en France.
Retrouvez l’interview du Professeur Seidenberg sur le site de la revue The Atlantic (en anglais).